05 juin 2004

6 juin 1944 (Jour J)

En Italie, le corps expéditionnaire français (intégré à la 5ème armée américaine) termine la capture de Tivoli. Les récents combats ont diminué la 4ème division d’infanterie allemande.

Au-dessus du mur de l’Atlantique

Les Pathfinders partent les premiers, ils précèdent le principal contingent de troupes d’environ 1 heure. Leur mission est de marquer les zones de parachutages à l’aide de radios automatiques. Les Eureka et les lumières Holophane sont placés en forme de T au sol, mais des bancs de nuages forces les pilotes à voler au-dessus d’eux ou en dessous. Les Pathfinders sautent donc soient d’une trop haute altitude ou d’une trop basse altitude. De plus les tirs anti-aériens obligent les pilotes à se replier, ce qui les fait dévier de leur route. Par conséquent, des 18 huit équipes de Pathfinders américains, une seule a atterri à l’endroit prévu. Une des équipes est tombée dans la Manche.

Pendant que les Pathfinders se dirigent vers leurs objectifs, les hommes de Howard sont en route, 13,400 paras américains et 7,000 paras britanniques. Les Américains suivent une route précisent marquées par des Eurekas situés à 15 Km d’intervalle et par des balises aériennes situées à 50 Km d’intervalle. À plus de 50 Km dans la Manche, le bateau patrouilleur britannique Gallup indique la route. 50 autres kilomètres additionnels pour atteindre le point de contrôle Hoboken, marqué par une lumière située sur un sous-marin britannique. Tous les avions maintiennent le silence radio, donc aucun des pilotes n’est prévenu du banc de nuages rencontrés par les Pathfinders au-dessus du Cotentin.

Dans les Dakotas, les hommes se préparent à faire le saut « qui vous apporte des ennuis après avoir touché le sol. » C’est le saut à $10,000 (on a demandé aux GI d’acheter une police d’assurance vie de $10,000). Le vol, d’un peu plus de 2 heures, au-dessus de l’Angleterre et de la Manche, marque la fin de l’entraînement, de la préparation et des briefings et marque le début des combats.

Les pilotes ont peur, pour la plupart il s’agit de leur première mission de combat. Ils n’ont pas été entraînés pour un vol de nuit, le mauvais temps ou les tirs anti-aériens. Leur C-47 est conçu pour transporter de l’équipement ou des passagers, ils ne sont ni armés, ni blindés et leur réservoir de carburant n’est pas protégé. La possibilité d’une collision aérienne est présente dans chaque esprit, les pilotes font partie d’une gigantesque armada : 437 C-47 sont nécessaires pour transporter la 101ème division aéroportée en Normandie et environ le même nombre pour la 82ème. Ils volent en formation V-V, s’étirant sur une longueur de 480 Km, neuf avions de large, sans possibilité de communication radio. Les avions sont séparés d’une distance de 30 mètres à l’intérieur d’un même groupe de 9 avions et de 300 mètres entre chaque groupe, sans aucune lumière à l’exception d’une petite lumière bleue sur le bout de la queue. C’est une formation très serrée pour des avions dont l’envergure est de 20 mètres de longueur par 30 mètres de largeur.

Ils traversent la Manche à une altitude de 500 pieds ou moins afin d’échapper à la détection radar des Allemands, puis grimpent à une altitude de 1,500 pieds afin d’échapper aux batteries anti-aériennes installées sur les îles de la Manche. À l’approche du Cotentin, ils redescendent à 600 pieds environ, l’altitude désignée pour sauter, afin de limiter le temps de descente des troupes alors vulnérables.

Ils atteignent le littoral et frappent le banc de nuages perdant toute visibilité. Instinctivement, les pilotes se séparent, certains descendent, d’autres montent, tout en s’écartant de la formation vers la gauche ou la droite afin d’éviter une collision. Lorsqu’ils émergent des nuages, après quelques secondes pour certains et quelques minutes pour d’autres, ils sont désespérément séparés.

Soudainement l’enfer se déchaîne, des projecteurs, balles traçantes et des explosions remplissent le ciel, pour les pilotes, ils leur semblent impossibles de traverser ce mur de feu sans être descendu, mais ils n’ont pas le choix, ils doivent avancer. Ils sont atteints par des tirs d’armes automatiques, des obus de 20mm et de 80mm. On aperçoit des avions se faire descendre à droite, à gauche, en dessous, d’autres explosent. Ils n’ont aucune idée de l’endroit où ils se trouvent, à part d’être au dessus du Cotentin.

Les pilotes ont allumé leurs lumières rouges au-dessus des portes lorsqu’ils ont dépassé les îles de la Manche. C’est le signal pour les chefs de saut de donner l’ordre à leurs hommes de se tenir debout et de s’accrocher. Ils allument la lumière verte lorsqu’ils croient être rendus près de la zone de parachutage. La plupart des bataillons sautent à la mauvaise altitude, trop bas pour certains qui atteignent le sol très rapidement, trop haut pour d’autres dont la descente paraît durée une éternité.

Pour la majorité des hommes de la 82ème division aéroportée qui sautent à l’ouest de Ste-Mère-Église, un cadeau spécial les attend, Rommel a ordonné qu’on inonde la vallée. L’eau n’est pas très profonde, environ un mètre, mais suffisamment pour qu’un para surchargé ne soit pas en mesure de se libérer de son harnais.

* * *

Vers 1h00 la 7ème armée allemande réalise ce qui se passe alors que son général, Dollmann, n’est pas encore revenu de son exercice sur carte à Rennes. Deux divisions aéroportées américaines et une britannique sont parachutées dans leur secteur. L’alerte générale est donnée à 1h30.

45 minutes plus tard, le major général Max Pemsel, chef d’état-major de la 7ème armée, parle au général Speidel, qui est au quartier général de Rommel, et l’informe qu’il s’agit d’une opération de grande envergure. Speidel ne le croit pas mais en informe tout de même Rundstedt qui est lui aussi sceptique. Les deux généraux croient que ce parachutage n’est qu’une autre feinte des alliés pour couvrir le principal débarquement aux environs de Calais. À 2h40 Pemsel est avisé que Rundstedt ne considère pas qu’il s’agisse d’une opération d’envergure.

La traversée de la Manche

Les dragueurs de mines, sous le commandement de l’amiral Ramsay, partent les premiers, ils sont 255, leur travail consiste à dégager des voies partant de l’île Wight, puis à travers la Manche, jusqu’à la zone de mouillage au large des côtes françaises. Les mines en question sont à contact ou à antenne, certaines flottent, la plupart sont ancrées. On retrouve également des mines placées sur le fond marin et qui explosent au changement de pression provoqué par la coque d’un navire qui s’approche. Une fois les voies ouvertes, leur tâche consiste à déminer les eaux peu profondes au large des plages de débarquement. Les destroyers assurent leur couverture.

Derrières les dragueurs de mines suit la flottille de LCT, chacun transporte 4 chars amphibies DD et 4 jeeps avec des remorques pleines de munitions. 64 chars amphibies DD sont transportés par 16 LCT destinés à la 29ème division qui doit débarquer dans le secteur Omaha (Easy Green, Dog Red, Dog White et Dog Green).

Malgré le vent et la mer fortement agitée, le déplacement encombré de milliers de navires alliés est à l’heure, on note quelques accrochages mais aucune collision majeure. Les Allemands n’entendent et n’aperçoivent rien, même si les navires affluent sans cesse depuis minuit. Ils sont si rapprochés dans leurs colonnes qu’ils forment quasiment un pont allant de l’île Wight à la Normandie. Les radars allemands ne captent rien. Enfin à 03H09 les Allemands repèrent la flotte au radar, Krancke donne rapidement l’ordre aux batteries côtières de se préparer à repousser un débarquement.

Les barges de débarquement qui pendent et frappent les côtés des LST depuis de le début de la traversée sont mis à l’eau, avec pour seul équipage le barreur. Les hommes descendent dans leur barge de débarquement par un filet courant le long du LST, ils sont exagérément surchargés d’armes, de munitions et de rations. Comme si ce n’était pas assez, leurs vêtements sont détrempés ajoutant du poids à transporter. Il fait noir et la houle s’amuse à faire monter et descendre leur barge de 3 mètres et plus.

Dans les barges s’entassent des pelotons d’assaut de 30 hommes et 2 officiers, ils transportent des torpilles Bangalore, des mortiers, des BAR, des fusils et un tas d’autres armes. Il n’y a pas assez de place pour s’asseoir, le rebord de la barge est tout juste à la hauteur des yeux. Lorsque les hommes sont tous à bord, le barreur s’éloigne du navire mère et se met en cercle avec d’autres. La plupart des hommes ont le mal de mer et vomissent.

Le débarquement à la plage Omaha

Le sable de la plage Omaha est fin, ferme et de couleur dorée, excellent pour prendre du soleil ou faire un pique-nique. Elle est légèrement en forme de croissant et s’étant sur 10 kilomètres, à marée basse la plage a une largeur de 300 à 400 mètres de sable ferme. À marée haute, la distance entre l’eau et les galets n’est que de quelques mètres. Les galets sont infranchissables par les véhicules.

À l’approche des barges de débarquement, les Allemands n’en croient pas leurs yeux, le lieutenant Frerking s’écrie : « Ça alors, les voilà! Mais ce n’est pas possible, ce n’est pas possible. » Il dépose ses jumelles et courent à son poste de commandement situé dans un bunker près de Vierville. « Barges de débarquement sur notre gauche, au large de Vierville, se dirigeant vers la plage. » Le caporal Hein Serverloh s’exclame : « Ils sont fous, vont-ils nager jusqu’au rivage sous notre nez ? » Le colonel du régiment d’artillerie donne un ordre strict : « Retenez votre feu jusqu’à ce que l’ennemi est atteint le rivage.

Partout le long de la falaise les soldats allemands regardent les barges de débarquement approcher, leurs doigts sur la gâchette des armes automatiques, fusils, fusée d’artillerie et mortiers. Dans le bunker 62, Frerking est au téléphone pour transmettre la position aux artilleurs situés à quelques kilomètres à l’intérieur des terres. Vu des barges de débarquement, le rivage semble paisible, les édifices et les maisons environnantes sont intacts. Les clochers d’église sont encore debout, défiants. Les bombardements précédent l’assaut n’ont fait aucun dommage, tout est intact.

Soudain, Frerking donne l’ordre de faire feu par téléphone et tous les artilleurs de la région pressent la gâchette. À la gauche de Frerking se trouve trois positions de MG-42, en avant un mortier fortifié et sur les pentes de la falaise, des soldats d’infanterie dans des tranchées. Tous font feu en direction des barges de débarquement.

À bord du LCA 1015, la rampe de la barge de débarquement s’abaisse, les soldats reçoivent une pluie de balles de mitrailleuses. Presque tous les hommes à bord sont tués quasi instantanément. Partout le long de la plage les mitrailleuses allemandes crachent un feu d’une proportion monstrueuse sur les infortunés américains. Les hommes qui parviennent à descendre de la barge se retrouvent dans l’eau glacée, parfois profonde, certains se noient parce qu’ils sont surchargés et ne parviennent pas à gonfler leur gilet de sauvetage. D’autres sont abattus en se débattant dans l’eau pour se débarrasser de leur excédant de poids. Les plus chanceux réussissent à gonfler leur gilet de sauvetage et nagent jusqu’au rivage.

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À 6h00 le matin, Speidel téléphone à Rommel pour le prévenir du débarquement. Rommel quitte précipitamment pour la Normandie, sans avoir eu le temps de rencontrer Hitler.

Peu après l’aube, Rundstedt est prévenu qu’un énorme contingent de troupes débarque sur les côtes de la Normandie entre les rivières Vire et Orne, sous le couvert d’un puissant feu d’une armada de navires de guerre. Rundstedt doute encore qu’il s’agisse du véritable débarquement des alliés.

Vers 10H00, le ministre de la guerre allemand, Speer, ce rend au Berghof, un adjudant major d’Hitler l’informe que le débarquement est commencé depuis tôt ce matin. Speer demande si le Führer a été réveillé, l’adjudant major lui fait signe que non, Hitler n’a reçu la nouvelle qu’après son déjeuner.

Dans l’après-midi, Rommel arrive enfin au quartier général du groupe d’armées B. Il est apparent aux yeux de l’état-major allemand qu’il s’agit bel et bien du véritable débarquement, les Américains ont un pied à terre sur deux plages et les britanniques et canadiens sur trois autres et ils ont maintenant pénétré à l’intérieur des terres sur une distance variant de 3 à 10 Km.

Speidel, Rundstedt et le chef d’état-major Blumentritt parlent au téléphone avec le quartier général du haut commandement allemand, situé à Berchtesgaden, pour demander la permission d’amener 2 divisions de chars en renfort en Normandie (un ordre d’Hitler empêche le commandant en chef de l’ouest d’utiliser les divisons de Panzer sans la permission du Führer). Jodl répond qu’Hitler désire attendre le développement de la situation avant de donner son autorisation (Hitler dort et personne n’a le courage de le réveiller).

Vers 15H00 Hitler se réveille et on lui annonce les mauvaises nouvelles, il accorde la permission d’engager la division Panzer Lehr et la 12ème SS en Normandie. À 16h55, il rédige cet ordre :
« Le chef d’état-major de l’ouest insiste auprès du commandement suprême pour l’annihilation de la tête de pont de l’ennemi dans la soirée du 6 juin, puisque le danger de renforts additionnels par la mer et les airs existent encore. La tête de pont doit être détruite pas plus tard que ce soir. »

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Au terme de la journée, l’opération Overlord est déclarée réussie, mais aucun des objectifs initiaux prévus n’est encore atteint. Sur les 132,715 hommes qui sont débarqués aujourd’hui, 2,500 soldats sont tués, des pertes beaucoup moindres que ce qui avait été prévue.

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